Nukutipipi par avion
Ci-dessus la passe entre les deux îles de mon atoll, en Tahitien "Hoa"

Avant d’entamer la relation de mon aventure polynésienne, il me faut envisager 5 grandes étapes

Etape I : La réflexion

Il est évident qu’avant de me décider à mener cette aventure, dans le plein sens du mot, car cela en était une, forte, je m’étais jugé sans complaisance et voici ce que ce retour sur moi-même avait donné.
J’avais 58 ans, libre, pratiquement intact physiquement, animé d’une forte volonté, courageux, autoritaire, aimant le travail, ayant vécu beaucoup d’expériences diverses, habitué aux défis, opérationnel.
Bien que chef d’entreprise durant toute ma vie, je n’avais pas fait que commander, j’avais toujours estimé que pour bien le faire, il fallait en être aussi le meilleur ouvrier. J’étais donc prêt, béton, électricité, construction, soudure, plastique, mécanique, etc etc avaient peu de secrets pour moi.
D’autre part, j’étais un inscrit maritime, un homme de la mer rompu à toutes les manœuvres, plongeur, et connaissant bien cet élément parfois destructeur.
Enfin et c’était vital, serais-je capable de supporter une vie inconfortable, voire très inconfortable, les premiers mois de mon installation sur un petit atoll désert, avant qu’une zone vie soit mise en place et qu’une piste d’atterrissage soit utilisable.
Enfin, pour le vérifier, j’avais pu en 1978, en compagnie d’amis faire un séjour de 3 semaines sur un petit atoll inhospitalier et désert. L’on connait ainsi les difficultés de vie, l’inconfort des goélettes, petits cargos chargés du trafic inter-îles, les embarquements acrobatiques à partir de baleinières, grosses embarcations à rames et à moteur dans une mer brusquement agitée, à travers les coraux coupants.

Arrivée sur l'atoll par temps calme Départ acrobatique parmi les coraux, dans une mer brusquement agitée

Sur les photos on voit un embarquement difficile de nos bagages embarqués en premier, lors de notre retour de l'atoll. A la suite de cela, le commandant du navire Kikanui refuse devant le danger de nous embarquer, et décide d'attendre le lendemain matin pour le faire, en espérant un temps plus favorable.
Or nous étions tous en tenues légères, shorts, maillots de bain et en cette période, nous étions en hiver tropical, les nuits sont extrêmement fraîches. Chacun a dû trouver une solution pour ne pas souffrir de ce froid. Personnellement j'avais le souvenir d'avoir vu à la télévision des "clochards", comme on les appelait à l'époque, se protéger du froid en accumulant sur eux des cartons. Je finis par trouver un grand carton dans lequel je me suis glissé et ainsi j'ai pu supporter le froid nocturne. J'en ris toujours !
Le lendemain matin le temps ne s'était pas calmé, et le commandant du navire ne pouvant retarder plus longtemps son circuit décide malgré tout de nous embarquer, nous pûmes le faire mais à la limite. Tout cela complétait mon expérience de la vie sur un atoll.

Tressage des lianes par nos deux polynésiennes, pour couvrir les deux abris prévus Notre groupe
Une partie de nos repas du jour, des langoustes Caveo, ou crabe des cocotiers, très abondant sur l'ile. Les polynésiens en raffolent, je préfère une bonne araignée de mer bretonne, qui ne s'est pas adaptée à une vie terrestre

J’étais donc prêt, APTE, à me projeter à 20000 Km de Carantec, en Bretagne, sur un petit atoll inhabité, perdu au milieu du pacifique, avec tout mon matériel pour y construire une ferme marine.

Pourquoi avais-je choisi la Polynésie ? Pour deux raisons, pays francophone et possibilités d’acquérir un petit atoll si le gouvernement local le permettait, atoll de petite taille à l’échelle d’un homme qui voulait en être le seul maître. Pas d’habitants si ce n’est le personnel que j’y amènerais.
Après plusieurs voyages décevants qui m’ont déjà fait comprendre la mentalité locale, je décide pour ne pas me déplacer inutilement (c’est un voyage de près de 40000 Km aller-retour) de faire paraître régulièrement dans la presse locale, « La Dépêche de Tahiti », une annonce faisant savoir mon désir d’acquérir un petit atoll. Un jour dans ce journal auquel j’étais abonné, je vois une personne qui en proposait deux à la vente. Je prends contact et cela semblant sérieux, je me rends à Tahiti et l’affaire se conclut avec l’assentiment du gouvernement local du moment en 1980. Je suis devenu propriétaire de Nukutipipi.
J’ai donc acheté cet atoll sans l’avoir vu, si ce n’est d’après un petite carte datant de 1951 faite par la marine nationale et à l’échelle de 1/100.000 ce qui me donnait déjà des renseignements suffisants pour me décider à l’achat, 2 îles séparées par une petite passe non navigable interdisant ainsi l’accès à des navires étrangers, la grande île permettant une piste d’atterrissage de 1000 mètres et une zone de vie possible à l’abri d’une forêt primaire et aussi un vaste lagon.

Je décidais d’aller le visiter, et je finis par trouver en 1981 dans l’île de Raïatea le propriétaire d’une vedette d’environ 18 mètres qui veut bien me conduire à Nukutipipi ainsi que 3 géomètres. A l’heure fixée pour le départ rien n’avait été préparé, il faut remplir les cuves de gasoil, acheter de la nourriture et de l’eau et une fois parti, je demande un essai de la radio qui au premier essai prend feu, et au bout de 300 Km de navigation, un des moteurs s’arrête, plus de pression d’huile, et nous continuions notre route dans une mer très forte et ayant environ encore 450 Km à parcourir. Le bateau roulant énormément, nous ne pouvions pas descendre dans la salle des machines sans risque d’accident grave, et seuls le propriétaire et moi ne sommes pas malades et j’assure avec lui les quarts et nous arrivons à Nukutipipi après 2 nuits et 2 jours de navigation.
Aussitôt arrivé je veux descendre à terre mais il est impossible de mettre l’annexe à l’eau, les poulies de son support sont rouillées et refusent de fonctionner. Nous devons nous contenter d’un petit gonflable genre jouet d’enfant qui chargé de 5 personnes est à la limite de couler. Nous arrivons devant la passe en attendant la grosse vague qui nous fera sauter au dessus de la barrière de corail. Cela se fait mais au lieu de descendre immédiatement du gonflable nous avons trop tardé et le reflux brutal nous à ramené dans l’océan, attendant une prochaine grosse vague qui nous remettrait sur l’atoll, ce qui advint et là, nous somme descendus très vite du gonflable !
Paille en queue Alors je suis allé visiter Nukutipipi pendant que nos 3 géomètres faisaient leurs relèvements, et j’ai vu tout de suite que cet atoll était tout à fait ce que je pensais, et la première fois j’avais devant moi de beaux oiseaux au plumage blanc brillant et bec rouge vif et pas sauvages du tout. J’en prends un dans mes mains, le lance en l’air, et il revient exactement à la place où il était précédemment, j’aurai plus tard l’occasion d’en parler plus longuement. Le nom de cet oiseau est le Phaëton rubricauda, ou paille-en-queue, ou Tavake en tahitien.

Ayant terminé la visite et les géomètres leur travail, nous tentons notre retour sur le bateau, et pour alléger le gonflable, un peu abîmé, deux d’entre nous, courageusement, rejoignent le bateau à la nage malgré le risque des requins, abondants dans cette zone, et pour finir tout le monde est à bord. Nous décidons d'y passer la nuit à l’abri de l’atoll pour un repos bien mérité et nous mettons à l’eau une ancre flottante. On en profite pour visiter le moteur qui avait cessé de fonctionner par manque d’huile. Mais il n’y avait pas d’huile propre à bord, et le plein d’huile à du être fait avec de l’huile usagée. Le moteur a très bien redémarré et après un repas copieux nous avons pu avoir un sommeil réparateur.
Le lendemain matin, nous voulons relever l’ancre flottante, mais le guindeau avant refuse de fonctionner, et relever à main une ancre flottante en pleine action est quasiment impossible, mais nous avons pu le faire après de longs efforts épuisants, car nous voulions la récupérer. Et nous repartons, les deux moteurs marchent et la mer se calme un peu.
Tous les aléas de ce voyage sont un exemple frappant de ce que l’on appelle en Polynésie d’un étranger qui y demeure et qui au contact d’un climat émollient, propre au plaisirs plutôt qu’aux choses sérieuses, oublie ses vertus fondamentales de méthode et de rigueur de pensée, rien n’est grave, Aita pea pea. On dit en parlant de l’étranger qu’il est « piqué au tiaré », fleur voluptueuse symbole de Tahiti.

Etape II : La préparation

La visite sur mon atoll étant terminée, je reviens à Carantec, et à partir de ce moment je vais donc entamer la préparation de mon aventure polynésienne. Ayant constaté au cours de mes voyages en Polynésie un certain laxisme général, je décide d’amener de France un atelier complet avec toutes ses fournitures pour le fer et pour le bois, une génératrice, et les matériels divers que je possédais en France etc etc. Le tout couronné par un détecteur de métaux, pour le cas ou par exemple au démontage d’un matériel une petite pièce tombe sur le sable blanc et serait introuvable. Cet appareil a servi plusieurs fois au grand étonnement de mes ouvriers. Rien ne devait être laissé au hasard. En même temps, je commandais à la CEA de Cadarache 62 panneaux photovoltaïques et un déssaleur d’eau de mer de grande capacité. En plus je ramenais de France un chariot élévateur Manitou et un chaland plastique Rotork à avant rabattable. Excellents outils de travail. Sans oublier du matériel de laboratoire que je possédais dans ma hatcherie.
Alors pour contenir tous les petits matériels, je construisais après mes journées de travail, dans un grand bâtiment que je possédais au centre de Carantec, de grandes caisses solides dans lesquelles j’entassais les petits matériels dont j’établissais une liste et donnais un numéro à la caisse. Près de 120 caisses ont ainsi été préparées contenant les choses essentielles à mon installation sur Nukutipipi, et m’enlevant la crainte de manquer de ce matériel à Papeete et surtout lors de mon premier séjour sur mon atoll où je resterai isolé plusieurs mois.

C’est ainsi qu’un jour en 1981 arrive à Carantec devant mon grand bâtiment 2 grands conteneurs métalliques de 30 m3 dans lesquelles sont chargées toutes les caisses, ainsi que du matériel pas trop encombrant, les autres, chariot élévateur et chaland Rotork, partant par camions au lieu d’embarquement au grand étonnement de certains Carantecois devant l’adresse de destination « Monsieur JA Madec, Atoll de Nukutipipi, Polynésie Française ». Ce matériel embarqué au Havre sur un navire à destination de Papeete et dont je connaissais la date d’arrivée m'a laissé le temps de confier mes établissements ostréicoles à une personne ayant les qualités indispensables, autorité, gestion parfaite, et depuis longtemps à mon service.

Etape III : L'embarquement

Me voici de nouveau à Papeete début 82, avec un laps de temps suffisant pour parfaire mes achats de matériel et produits divers : 8 bungalows en kit, bois, fer, ciment, carburant, containers pour l’eau douce, pharmacie, nourriture, engins de pêche etc etc.
Et aussi pour trouver un navire de débarquement pour emmener tout ce matériel sur mon atoll. Le service de l’équipement put mettre à ma disposition un de ses navires spécialisés pour ce genre de travail, le Meherio II, pouvant porter 130 tonnes de matériel.

Le navire venant de France arrive, et tout mon matériel est entassé sur le quai de l’Equipement où l’embarquement doit se faire. Et l’embarquement commence, je suis sur mon chariot élévateur et les gens présents me voyant fonctionner, au début sceptiques, changent d’avis et l’un d’eux dit « Celui-là n’est pas comme les autres », doux rêveurs dont l’aventure se termine rapidement, et cette personne se met à mon service pour assurer les besoins essentiels pendant mes absences, achats de nourriture et de matériel et les faire transporter par goélette ou tout autre moyen sur mon atoll, ce dont je lui suis toujours reconnaissant et nous étions devenus amis.

Le Meherio II Chaland jaune Le Meherio II
Caisse métallique Chariot élévateur Manitou Chaland Plastique Rotork
Le Meherio II Chariot élévateur Manitou Chaland Plastique Rotork
Mon ami Brouta Fermeture de l'avant rabattable. C'est parti !

Avant de quitter le port de Papeete, quelques photos sur la montagne de Tahiti, Mooréa et autres...

Le temple de Paofaï Montage de Tahiti Moorea
Temple de Paofaï Montagne vue du port Mooréa à l'horizon
Bateau de pêche Bateau pecheur Derniere balise
Bateau de pêche

Bouée d'atterrage,
dernière balise avant le large

Il était évident que la période la plus dangereuse de mon installation sur Nukutipipi serait la première, pas d’installation, pas de routes, pas d’eau, des abris précaires et étant donné l’éloignement de tout, de Tahiti ou de Mururoa, en cas d’accident corporel grave, la situation aurait été très critique, la distance empêchant l’évacuation par hélicoptère ou par bateaux venant de Mururoa, au minimum 2 jours de navigation. Dans certains cas moins graves, ma première vocation ayant été la médecine, et mon grand-père dont je devais être le successeur m’ayant associé à beaucoup de ses connaissances, j’aurais pu intervenir assez efficacement. Et sur ce plan la tout s’est bien passé. Enfin en juin 1982 nous quittons Tahiti en fin de journée et après 3 jours et 2 nuits de navigation, houleuse, car ce genre de navire est à fond plat, nous voyons apparaître Nukutipipi au lever du jour après une navigation de 740 Kms.

Arrivée à Nukutipipi, après 3 jours et 2 nuits de traversée avec 150 tonnes de matériel

Et alors le commandant du Meherio, après beaucoup d’hésitation car il n’a jamais accosté cet atoll, se décide et à l’endroit choisi pour le débarquement, fait mouiller un ancre à l’arrière du navire et au ralenti accoste lentement « bout à la barrière de corail » qui présente à cet endroit une paroi sous-marine verticale de plusieurs mètres et fait mettre à terre 2 ancres supplémentaires, le navire étant toujours en marche avant au ralenti pour éviter autant que possible les mouvements du navire contre la barrière.

Premier reperage Cabine du bateau Reperage
Premier repérage
Bateau de pêche Bateau pecheur Accostage de l atoll.jpg
L'homme au bob blanc, c'est moi. Accostage bout à la barrière

On décharge le matériel dans des conditions chaotiques car le platier récifal n’est pas plat, et les engins prévus pour le débarquement souffrent. La masse de matériel débarqué est stockée haut sur la barrière mais vers 5 heures du soir, une tempête se lève et il faut remonter ces dizaines de tonnes de matériel encore plus haut sur l’atoll pour les sauver car le niveau de la mer monte énormément. Quand ce fut fini, ayant eu le temps lors de la première visite à Nukutipipi de choisir sur l’atoll une zone propice au campement, nous sommes partis dans la nuit sous la pluie battante et un vent violent, avec notre matériel de campement chargé sur le chariot élévateur vers la zone choisie. Je me rappelle que dans ces conditions climatiques extrêmes, et à la seule lumière du chariot élévateur, ce fut très difficile de monter les tentes. Et ce n’est qu’a 2 heures du matin que nous pûmes nous mettre à l’abri sous nos tentes.
Quand le jour est venu, le ciel était parfaitement bleu, pas de vent, le lagon lisse comme une glace, le paradis, et des pailles-en-queue partout...

Vue sur le lagon

Habitué aux grands chocs de la vie, tous les aléas de mon arrivée à Nukutipipi n’étaient pour moi que broutilles et dès l’arrivée du jour, j’étais prêt à attaquer la deuxième étape de mon aventure, mise en place d’une zone de vie moderne et d’une piste d’atterrissage.

Etape n°4

Il faut, avant toute autre chose, parler de mon personnel recruté. Quand vous arrivez dans un pays à faible population, les meilleurs ouvriers sont déjà recrutés, les moyens aussi, il reste le reste, dont j’ai hérité. C’est le côté humain de mon aventure polynésienne, ce reste ayant souvent un pedigree judiciaire important. Au départ j’avais 6 ouvriers, ce qui me semblait suffisant.
La 1ère opération consistait à ramener tout le matériel débarqué jusqu’à l’endroit choisi pour notre installation définitive à l’abri d’une forêt primaire. Pour cela il a fallu que le matériel amené pour faire la piste d’atterrissage, bulldozer et camions, trace une route de 2 km à travers l’île à partir du lieu du débarquement. Après avoir tracé cette route, l'entreprise chargée de la construction de la piste, un besoin urgent, a commencé son travail, destruction par enfouissement et brûlage sur 10 hectares, la piste faisait 1 kilomètre de long avec 20 mètres de piste et 40 mètres de dégagement de chaque côté. J'avais pris la précaution auprès de l'aviation civile de me renseigner sur les conditions obligatoires à observer pour la construction d'une piste agréée, c'est-à-dire création d'une fosse-fondation de 50cm environ de profondeur, chargée au fond de gros blocs de corail, tassée et d'une entre couche de taille moyenne, tassée aussi, et enfin une couche plus fine d'un corail spécial, qui, humidifié et roulé, fait un revêtement semblable à du ciment. Le responsable, un jeune Polynésien, autant il avait réussi les premières obligations, autant il négligeait les fondations de la piste et passait directement à la couche finale. Je refuse ce travail bâclé et oblige le père, spécialiste de construction de piste, à venir me construire une vraie piste et non "une belle plage" sur mon atoll. Il est venu et a terminé le travail honorablement. Tout est difficile en Polynésie.

preparation de la piste d'atterrissage camion de construction de la piste bulldozer
Préparation de la piste d'atterrissage

Le premier atterrissage fut le 18 août 1982, nous libérant de l'isolement et nous assurant la sécurité

Pendant ce temps, avec mon chariot élévateur et la grande remorque nous avons ramené et classé tout le matériel destiné à construire 8 bungalows, le premier destiné à un déssaleur d’eau de mer de grande capacité fourni par la CEA de Cadarache, élément essentiel de notre installation, un circuit provisoire d’électricité produite par la grosse génératrice, et des hangars provisoires pour le matériel. Avant de construire le 1er bungalow, les opérations préliminaires, défrichement pour préparer la zone vie, fabrication de divers abris, cuisine, réserve alimentaire, salle de froid, ont duré trois mois pendant lesquels nous dormions encore sous la tente.

Camp provisoire

La grande question au départ c’était l’eau potable. J’avais amené 2000 litres au 1er débarquement, et à chaque débarquement nous en récupérions sur chaque navire, et en plus un maximum, s’il pleuvait, au moyen de bâches. C’était quelquefois inquiétant. Mais se laver à l’eau de mer, sans le savon qui convient, introuvable à l’époque à Tahiti, c’est très désagréable.

Vue de la plage Le campement provisoire La bâtiment d'emmagasinage
Aspect partiel de la plage près de
laquelle seront installés les bungalows
Une partie du campement provisoire Bâtiment d'emmagasinage du matériel le
plus fragile, sur fond de Pandanus
Le dessaleur d'eau de mer
Le dessaleur

Quand la mise en place d’une installation provisoire fut terminée et le défrichement de la zone où seraient construits les bungalows, avancé, la priorité fut l’installation du dessaleur d’eau de mer pour la production d’eau douce et le 1er bungalow fut réservé entièrement à sa mise en place. En principe un monteur de la CEA devait présider à l’installation, mais l’urgence de la production d’eau douce a fait que je l’ai installé moi-même en adaptant certaines règles en fonction du lieu, et le grand jour est arrivé. L’eau produite était parfaitement douce, à notre grande joie, mais aussi particulièrement pure sans les sels que l’on trouve dans l’eau douce naturelle, ce qui faisait que cette eau ne se fixait pas dans notre corps. La CEA avait omis de me fournir une poudre de perlimpinpin contenant divers sels à ajouter à l’eau produite. Pour notre eau de boisson, j’ai ajouté une certaine quantité de sel marin et tout s’est remis dans l’ordre.
Un jour, profitant de l’arrivée d’un avion à Nukutipipi, un représentant de la CEA est venu vérifier mon installation, la qualité de celle-ci, et celle de l’eau produite. Un monsieur habillé de sombre avec sa petite sacoche d’analyses, l’air un peu supérieur, est monté dans le bungalow pour procéder à une première analyse de l’eau produite, et je l’ai vu soudain surpris devant le résultat obtenu, la pureté idéale, rare. Il me dit alors « j’ai dû me tromper, le résultat est surprenant, je fais une autre analyse ». Le résultat fut le même. Je sais qu’à son retour il a fait un rapport, disant que cet appareil pouvait être posé par l’acheteur, avec un résultat à 100% de l’eau produite. Ce fut pour Nukutipipi, sans eau apparente, un événement majeur, un souci en moins.

Le bungalow-dessaleur terminé j’en profite pour quitter ma tente et je m’installe dans le bungalow provisoirement pour y dormir. Le dessaleur travaillant à 60 bars de pression, je m’en occupais personnellement étant donné le niveau de mon personnel, car toute erreur de vannage à cette pression ne pouvait que provoquer de graves dégâts.

Nous entamons ensuite la construction des sept autres bungalows. J’avais choisi par précaution de les surélever, connaissant les risques des cyclones ou des tempêtes tropicales. Cela me permettait en outre un abri supplémentaire sous chaque bungalow.

Bungalows en construction
Les tâches blanches sont le ballet continu des Pailles en queue

Une fois finie, sur ses piliers et ses arcs-boutants, la construction, à l’abri de la forêt primaire, me semblait capable de supporter les aléas du temps. Après le bungalow-dessaleur, ce fut le mien qui fut construit, ensuite les quatre autres pour mon personnel, puis le bungalow invité et enfin le laboratoire, tous alimentés en eau douce sous pression grâce à un surpresseur. Tout cela a satisfait mon plaisir de construire et de voir mon projet avancer en nous procurant un confort de vie indispensable.

Surpresseur alimentant en eau douce tous
les bungalows
Apperçu des bungalows Sortie des égouts

J’avais aussi créé un réseau d’égout récupérant les eaux usées de chaque bâtiment et préservant ainsi la pureté des eaux du lagon où je puisais l’eau du dessaleur et qui devait alimenter mon laboratoire et ses bassins intérieurs comme extérieurs. Évidemment cela a surpris en Polynésie où le lagon, dans les atolls, sert de dépotoir. Cela a évidemment pris du temps, malgré de longues journées de travail, mais je peux dire qu’en février 1983 la zone vie était pratiquement terminée, sauf deux hangars, l’un pour le matériel d’exploitation et l’autre pour les engins et une cuisine en dur.

Cuisine provisoire Réserve d'électrolyte
Briques réfractaires pour la construction d'un
four à pain
Hangar pour le matériel d'atelier Tuiles de bois pour le toit d'un faré Poté,
lieu de plaisir
Ce fouilli de forêt primaire impénetrable qui m'a sauvé la vie au cours du cyclone et qui broyée,
inondée, au bout d'un an de désalement car l'atoll a été noyé, a repris vie comme le montrent
les photos ci-dessous
Forêt primaire côté sud avant cyclône

En dehors de mes constructions, je prenais le temps d'étudier le lagon, avec mon bateau à fond de verre pour les parties pas trop profondes et par plongées pour les parties profondes, et aussi l'étude des courants à l'intérieur du lagon, au moyen de fluorescïne, un produit très colorant, la salinité, des prises d'échantillons de plancton en vue de mes travaux de laboratoire futurs et dans le cadre de mon étude du lagon, etc...
Voulant un jour vérifier la concentration de requins dans le lagon, j'avais organisé une pêche à partir du bord du lagon. De gros hameçons, avec un appât, lancé au moyen d'une corde, ont permis la capture de cinq requins de taille moyenne , 1m20 - 1m50 en 1 heure. Les requins, même petits, déploient une force énorme, et un de mes ouvriers polynésiens m'a montré comment les tuer rapidement. Enfoncer la lame d'un coupe-coupe à la base de la nageoire dorsale, mort immédiate. Une autre fois, j'avais fait mouiller au milieu du lagon une ligne identique soutenue par une bouée de 25cm elle-même fixée au fond par un bloc de ciment accouplé lui-même à un ancre. Quelques heures après, tout avait disparu et l'ouvrier qui observait la ligne m'a dit avoir vu la bouée partir à très grande vitesse, avant de disparaître. Nous n'avons jamais eu trace de cette ligne. Il y avait donc de gros requins dans le lagon.

peche au requin peche au requin peche au requin
peche au requin peche au requin peche au requin

Quand j'avais besoin de matériel, mais peu abondant, si le Méhério II, ou tout autre navire qui assurait une ronde tous les 2 ou 3 mois pour le ravitaillement des îles de son secteur, qui incluait Nukutipipi, stoppait au large et le débarquement se faisait par baleinières, grosses barques solides, marchant au moteur et à la rame et suivant un processus immuable, attente de la grosse vague qui permet à la baleinière de monter sur le platier récifal, puis d'une autre pour en assurer la bonne tenue et le déchargement du matériel.

Déchargement du matériel pendant l'hiver,
les tuyaux pour les égouts

Une fois terminé, on attend encore au moins deux grosses vagues pour permettre à la baleinière de se mettre en position de départ, et encore deux ou trois grosses vagues et poussée par l'équipage et le personnel de l'atoll elle atteint l'océan où, à la force des bras et des longues rames, les baleiniers, le temps de s'éloigner du récif, et de mettre le moteur en route, rejoignent le Meherio II qui continue alors son circuit. Les grosses vagues n'arrivent qu'après plusieurs autres, disons normales.

Quand mes besoins de matériels étaient importants, mais pas suffisamment pour remplir le Meherio II, j'employais le Meherio I de 75 tonnes de charge, plus petit. Mêmes opérations d'accostage sur l'atoll, même débarquement assez difficile.

Traversée le 14 novembre 1984 par le Meherio I, avec 75 tonnes de matériel. Le débarquement commence à 5 heures et demi du matin,
et se termine à 11 heures, sur un platier un peu submergé
Une partie du matériel débarqué, est mis à l'abri sur l'atoll étant donné l'état du temps

Les deux Meherio ont eu une fin tragique et ont été remplacés par des navires plus importants.

Puisque nous sommes dans les navires et embarcations, je vais vous parler des miens :
1) Le Chaland Jaune, qui, en souvenir de mes travaux dans ma "Hatcherie" s'appelait du nom de mon algue flagellée préférée : "L'Isochrysis galbana".
2) Ma baleinière, bateau de charge, équipée d'un moteur et d'une voile, par sécurité, pour le cas où j'aurais voulu sortir du lagon.
3) Un bateau à fond de verre pour faciliter la découverte des fonds du lagon comme je l'ai dit plus haut.

Pour parfaire mon installation et me faire plaisir, j’avais, avec mes employés, construit avec des blocs de corail, trois massifs sous-marins, à environ 50 mètres l’un de l’autre, et qui devaient être habités par de petits poissons multicolores. Cela fut fait par trois races de poissons multicolores, chacune ayant pris son propre bloc, à ma plus grande joie.
J’avais observé que, bien que séparés par 50 mètres, quand par hasard les poissons d’un des blocs dépassaient la limite entre les blocs, invisible pour moi mais pas pour eux, ces petits poissons si beaux se battaient férocement…
Une autre fois en me baignant, et ensuite régulièrement devant la zone vie, un grand poisson nageait près de moi. Au début un peu inquiet et craignant la compagnie d’un requin, j’observais ce grand poisson de près d’1 mètre 50 que mes ouvriers qualifièrent de carangue blanche. Ce poisson qui se tenait à l’ombre du soleil sous mon chaland plastique, me tenait compagnie de très près chaque fois que je me baignais. Et un jour qu’après mon bain j’étais assis sur le sable les pieds dans l’eau, ce poisson est venu me tenir compagnie, presque sorti de l’eau. Surpris, je suis resté quelques instants jusqu’au moment où il est reparti. Le soir, quand mes ouvriers et moi étions réunis pour le repas du soir, je leur ai dit mon étonnement et surtout de ne pas pêcher ce poisson, ami de l’homme. Deux jours après, un de mes ouvriers, fier, me montre mon poisson ami qu’il venait de pêcher. J’ai interdit qu’on le mange.

Sur sol sans humus, quelques graines semées par moi ont pris
racine
Dans le même genre de comportement, deux tortues vinrent pondre leurs œufs sur la plage extérieure de l’île. J’ai repéré les endroits de ponte et les ai entouré d’un grillage. Comme je connaissais la durée d’attente avant l’éclosion, j’avais décidé d’assurer une garde totale, d’observer l’éclosion et de sauver les petites tortues malgré la présence d’oiseaux tels que les frégates. J’ai attendu vainement, malgré mes ordres mes ouvriers avaient déterré les œufs pour les manger.
Et encore, malgré ma pancarte « Tabu », dont ils se fichaient totalement, un jour que nous débarquions du matériel, un des matelots avait rempli deux sacs de jeunes pailles-en-queue pour en faire une fois séchés, m’a-t-on dit, des appâts pour la pêche au gros, ou simplement utiliser les plumes blanches brillantes de l’oiseau pour un autre genre de pêche.
Moi qui suis respectueux de la nature je souffrais, mais c’est la Polynésie.

Après cette parenthèse naturelle, revenons aux travaux du chantier. Le travail commençait avec le jour à 7 heures du matin jusqu’à 11 heures et de 12 heures à 17 heures, heures de travail largement compensées par des congés payés pris par roulement. Le travail journalier terminé, on mettait à l’eau un filet de pêche, juste en face du bungalow-cuisine et à une profondeur d’environ 1,50 mètre, en travers du courant circulaire du lagon. Une trentaine de poissons suffisait. Chaque fois qu’un poisson se prenait dans le filet, il se débattait vivement et nous les comptions jusqu’au nombre choisi. Cela demandait au maximum une demi-heure et les poissons étaient immédiatement cuisinés. J’avais une réserve de nourriture pourtant abondante : viande congelée, conserves, cuisses de poulet, etc., etc. Mais le Polynésien préfère le poisson matin, midi et soir. Au début, devant l’abondance des réserves, ils s’en servaient, mais petit à petit ils sont restés au poisson sauf cas particulier. Le Polynésien consomme du riz, le Breton que je suis de la pomme de terre, mais à me voir en manger ils en ont goûté et l’ont adopté.
Les réserves sensibles, sucre, farine et autres, étaient conservées dans des containers étanches, car les souris étaient très nombreuses et certains insectes gourmands aussi. Pour nous débarrasser des souris, j’avais imaginé un piège simple et efficace, une poubelle plastique dans laquelle on laissait des déchets de cuisine et une rampe d’accès. Les souris atteignaient facilement le haut de la rampe et se laissaient glisser dans la poubelle sans pouvoir remonter. Ce piège était mis en place le soir, et le matin le résultat était surprenant. J’avais pitié de ces jolies petites souris, mais il fallait assainir la zone vie.

Sur le plan insectes, Nukutipipi était un cas rare, pas de moustiques, mais des papillons, inoffensifs mais encombrants, qui venaient le soir se faire griller sur un appareil prévu pour cela, attirés par la lumière, et pour le plus grand plaisir de très gros bernard l’hermitte. En tahitien, le bigorneau s’appelle un eoua dont la coquille à l’âge adulte peut atteindre la taille d’une balle de tennis.

La poubelle que l'on voit à droite des photos est pour les bernard l'Hermitte leur destination finale, pour en diminuer le nombre dans la zone de vie

Cette coquille, quand le maoua est mort, sert d’habitat à ce que l’on appelle en tahitien un eoua, un bernard l’hermitte, très agile, nettoyeur de l’île, très gourmand, et quand nous mangions, attirés par l’odeur de la nourriture, il arrivait qu’ils s’essaient sur nos doigts de pieds.
Il est évident que quand l’eoua grandit il lui faut changer d’habitat, et un jour je suis resté observer comment il évalue et mesure sa future demeure. Au moyen de ses antennes il a longuement observé et mesuré l’ouverture du coquillage, puis étant sorti du précédent coquillage s’est introduit le plus prestement possible dans son nouvel habitat, je dis prestement car l’opération est dangereuse quand son corps tendre est sorti de sa coquille, un voisin de la même race que lui n’hésite pas à le dévorer. Dure loi de la nature. De même que pour les souris il a fallu en diminuer le nombre dans la zone vie, durant la période où nous vivions en camping forcé.

Dans un atoll où il existe beaucoup de cocotiers, il est courant de trouver des crabes de cocotiers qui ressemblent exactement aux araignées de mer bretonnes et qui se sont adaptées à la vie sur la terre. Mais elles reviennent à leur élément d’origine pour la reproduction m’a-t-on dit. Les crabes avancent au sommet des cocotiers et dégustent la pulpe des noix en perçant la coquille dure avec leurs pattes puissantes. C’est un fléau pour les cocotiers, mais comme le Polynésien adore sa chair leur nombre diminue, sauf sur les atolls déserts comme Ahunui où j’ai passé 3 semaines en 1978. Je me rappelle que déjeunant un jour en bord de lagon, nous avons entendu, dans les broussailles qui nous entouraient, des bruits qui se rapprochaient et nous avons vu apparaître de nombreux crabes. J’ai demandé alors aux autres convives de ne pas bouger et les « caveo », comme si nous n’existions pas, se sont servis y compris dans nos assiettes et sont repartis. Le « caveo » est le nom tahitien du crabe de cocotier.
A Nukutipipi, malgré une cocoteraie assez grande, il n’avait pas été trouvé de ces crabes de cocotier malgré les recherches de mes employés. Sauf un qui, chaque fois que nous déjeunions ou dînions, se révélait, se rapprochait de nous et nous lui donnions à manger, nous lui avions même trouvé un prénom. Puis un jour nous ne l’avons plus revu, il avait eu tort de faire confiance à l’homme, et je suis certain qu’il a été mangé dans une cuisine clandestine.

Parlons maintenant de ces oiseaux admirables que sont les pailles-en-queue (phaëton rubricauda ou tavake). Nukutipipi en était sans doute la colonie la plus abondante de Polynésie, 1000 ou plus, et quand je me suis installé, et construit des routes et des bâtiments, j’ai été obligé de composer avec les familles de pailles-en-queue installées partout.

paille en queue jeune paille en queue jeune paille en queue jeune
Evolution du petit paille-en-queue, vers l'âge adulte
paille en queue jeune paille en queue jeune paille en queue jeune paille en queue jeune
Exercice préparatoire à un envol encore lointain. Quand le paille-en-queue s'envolera, il sera en plumes noires et blanches et un bec noir.
Quand il se nourrira lui même, il deviendra blanc brillant, et son bec rouge vif
paille en queue adulte
Scéance de gavage Paille-en-queue adulte
La confiance qu'ils ont en moi les poussent à établir leur nid dans ma tente sous mon lit

Je me rappelle avoir retardé certains travaux en attendant que le petit paille-en-queue s’envole de son nid. Ces oiseaux au plumage blanc, brillant, avec un fort bec rouge vif, qui ne peuvent marcher et n’avancent que par petits bonds, même pour l’envol, couple fidèle, voilier au long cours pour chercher la nourriture du bébé, sur plusieurs dizaines de kilomètres parfois, et où malheureusement l’attendent ces voyous d’oiseaux que sont les frégates, et qui plutôt que de pêcher elles-mêmes, et elles le peuvent, attendent tranquillement en profitant des courants aériens, le retour des pailles-en-queue, les attaquant pour leur faire dégurgiter le fruit de leur pêche dont elles s’emparent, se battent entre elles parfois, ou si le paille-en-queue résiste le blessent souvent mortellement.

paille en queue blessé paille en queue blessé
Pailles-en-queue blessés par les frégates

La frégate me créait des indignations continuelles, l’exploitation du faible par le fort abusif, comme le paille-en-queue par la frégate, je n’ai jamais pu le supporter et je réglais souvent cela à coups de fusil, je me sentais un peu à Nukutipipi comme le garant d'un certain équilibre naturel, mais quand il le fallait, le doigt sur la gachette. A certaines époques, une grande concentration de frégates se faisait dans la région, évidemment au détriment des pauvres phaëtons, dont souvent les petits se trouvaient sans parents nourriciers, tués, et mon personnel prenait le relais en nourrissant chacun un petit paille-en-queue à mon plus grand plaisir. Il leur arrivait même, quand il pleuvait de me demander d’aller mettre un plastique abri au-dessus de l’oiseau, je les laissais faire en souriant, parce que l’oiseau n’avait pas besoin d’abri, il met son cou à la verticale et l’eau s’écoule facilement sur les plumes sans le gêner. Ce qui veut dire que si l’on éduque les Polynésiens en leur donnant l’exemple, leur comportement évolue dans le bon sens. Ils se prenaient au jeu et quand ils voyaient les frégates attaquer, ils me prévenaient « Patron, elles attaquent » et alors j’agissais.
Pour ceux que mon comportement choquerait, je dis que ce que j’ai fait n’a pas éteint la race des frégates, des sauvages paresseuses, loin de là, mais a permis aux pailles-en-queue de Nukutipipi, oiseaux paisibles, de vivre une vie de famille presque normale, et de ne plus redouter au retour, le gésier rempli de poissons pêchés jusqu’à 30 km de Nukutipipi ou plus, l’attaque jusque là continuelle des oiseaux prédateurs.

La sterne blanche, peu farouche
Photo d'une gravure tirée du volume "Les oiseaux" de Buffon 1745 et représentant parfaitement la frégate

Parmi les autres races d’oiseaux qui habitent Nukutipipi, il y a les petites sternes blanches, admirables, avec leur plumage blanc brillant, leurs petites têtes rondes avec des yeux cerclés de noir et un bec pointu long et noir. Très agile, pouvant faire du vol sur place mais avec un raté dans leur comportement. En effet, au lieu de pondre leur oeuf dans un nid, elles le pondent sur une branche avec tous les risques que cela comporte. En cas de fort vent, j’ai vu parfois des oeufs chuter sur le sol et se briser. D’autre part, l’oeuf éclot sur sa branche, le petit doit y rester cramponné jusqu’à son envol. Lourde épreuve ! J’ai vu des petits après un vent violent tomber sur le sol et condamnés à être mangés par les bernard l’hermite. Quand je le pouvais je les remettaient sur leur branche natale.
Un jour j’ai été très surpris, alors que je me promenais, de voir un paille-en-queue se diriger vers moi et rester en vol sur place à 1 mètre de mon visage, tournant la tête de droite à gauche pour bien me regarder, et cela a duré jusqu’au moment où j’ai mis fin à notre rencontre, nous étions en communion.
Je vous ai raconté avoir été surpris, lors de ma première visite à Nukutipipi, par ce bel oiseau au plumage blanc brillant et au gros bec puissant rouge vif, pas farouche que j'avais pris dans mes mains, lancé en l'air, et qui était revenu se poser à l'endroit exact où je l'avais pris. C'est une caractéristique de cet oiseau d'avoir aussi bien sinon mieux qu'un GPS moderne, la perception exacte de ses endroits familiers, les nids en particulier.
Le navigateur anglais Carteret qui découvrit Nukutipipi le 12 juillet 1767, fut aussi très surpris comme moi par ces oiseaux et il l'écrit dans son rapport : "There were many birds upon Nukutipipi, so tame that suffered themselves to be taken by hand".
C'est ainsi qu'au cours de nos travaux de construction, si un nid se trouvait exactement à l'endroit prévu pour nos travaux nous procédions de la façon suivante pour changer de place au nid. Deux ou trois de mes ouvriers avec leur pelle qu'ils glissaient sous le nid avec un substrat en plus pour y préserver les odeurs familières, amenaient à un endroit proche le petit paille-en-queue, surpris mais calme. Quand le parent arrivait, il se posait immédiatement à l'endroit premier de son nid quel qu'il soit, une fondation ou une dale en béton frais. Nous le récupèrions, dans le cas de béton nous le néttoyions et le posions près de son petit qui, affamé, poussait ses cris familiers. L'adulte décontenancé mettait un certain temps à réaliser malgré les cris du petit.
Ci-dessus quelques photos qui montrent l'évolution du petit vers l'âge adulte. Le paille-en-queue ne peut pas marcher, il avance par petits bonds et s'envole d'un seul élan. Il atterrit brutalement et j'ai vu quelques fois l'oiseau faire un roulé-boulé. Couple fidèle, jusqu'à la mort. Au cours du cyclône, au moment où la houle à l'intérieur du lagon devenait de plus en plus forte et montait sur l'atoll, j'ai vu un mâle rejoindre sa femelle qui couvait son oeuf malgré le danger, au moment précis où la vague les a emportés tous les deux.

La vie en compagnie de mon personnel était basée sur le respect au Patron, pas de familiarités, un patron juste et ferme, pas d’erreur sur les réprimandes, qu’ils admettaient quand elles étaient justes, et elles l’étaient. Le « tu » en Polynésie est normal, alors c’était "Patron, tu…" ou "vous". Parfois je sentais une certaine tension dans mon personnel, je prenais alors certaines précautions, car ni les Polynésiens ni les blancs que j’employais n’étaient des "enfants de chœur" et j’étais à 740 kms de Tahiti. J’en ai eu de toutes sortes, mais à mon contact ils s’amélioraient, sinon je ne les gardais pas. Mais même dans ce cas quand je les rencontrais par la suite dans les rues de Papeete ils me disaient toujours à peu près ceci quand je leur demandais ce qu’ils faisaient, à savoir combien ils regrettaient de n’être plus à Nukutipipi où on travaillait dur mais où on était respecté et où la nourriture était bonne, car maintenant ils travaillaient à droite, à gauche, maltraités comme des chiens.
Une autre fois j’avais confié à un fonctionnaire des pêches, qui devait se charger de me procurer des nacres en les achetant pour moi, trop confiant, une somme importante. Ne voyant rien venir, je prends mes renseignements et j’apprends qu’au lieu de me fournir, comme intermédiaire, des nacres, il avait avec la somme confiée créé un établissement personnel. Tribunaux, mois de prison jusqu’au remboursement. Ce fut assez long mais il fut libéré. Et un jour que je promenais à Papeete, je le vis venir rapidement vers moi, et je craignais qu’il ne m’agresse. Au contraire, il me prit dans ses bras, m’embrassa et me dit « Ah, Madec, grâce à toi j’ai eu le temps de lire la Bible pendant mes mois de prison et je suis devenu vraiment croyant ».
Une autre fois, une femme très connue me joue le même tour. Tribunal, remboursement, j’avais enfin compris.
Comme dans toute affirmation, la tendance au vol existe mais pas à 100%, je connais des Polynésiens très honnêtes. Cependant, si l’on en juge par les écrits de Bougainville lors de sa découverte de Tahiti en 1768, à bord de son navire « La boudeuse », quand il a laissé avec plaisir les pirogues accoster son navire et les Tahitiens monter à bord, il s’est aperçu au bout de quelques jours que les vols de matériel étaient tels que cela retarderait son départ pour reconstituer ou retrouver les objets volés. Les visites ont continué mais sous haute surveillance. Dans mon atoll aussi j’étais obligé de remettre parfois les choses à leur place.

Arrangement d'un de mes ouvriers sur son balcon

Sur un autre plan, le Dimanche nous ne travaillions pas et ils s’occupaient à un peu de tout. Un jour l’un d’eux me dit « Patron, est-ce que je peux prendre un morceau de poutre pour en faire une guitare ? ». Bien sûr je lui ai donné mon accord, et au milieu de l’après-midi j’ai entendu, bien qu’il ne connaissait pas le solfège, les do, ré, mi, fa, sol, la, parfaitement joués. Le bois avait été creusé, et avec des pointes et du fil de pêche il avait créé son instrument de musique. J’ai toujours admiré chez eux le chant et la musique et leur adresse pour cela.
Malheureusement, comme nous ne buvions pas d’alcool pour des raisons de sécurité (une bière par semaine), je les voyais certains dimanches complètement ivres, et menaçais l’un d’eux de l’expulser s’il ne me disait pas comment ils arrivaient à l’ivresse. Il me dit « dans les réserves il y a des bouteilles d’eau de Cologne qui, mélangées à une poudre d’orange Tang, fait de la « Vodka orange ». J’ai donc mis la réserve d’eau de cologne à l’abri.
Peu de temps après je les ai vus comme drogués. Même menace sur le même employé, il me donne la recette. C’était à base de liquide de noix de coco chauffé au soleil avec un autre produit dont je ne me rappelle plus le nom. Craignant que ce ne soit un produit de la pharmacie, abondante, j’ai mis aussi la pharmacie à l’abri.
Souvent le dimanche ils disparaissaient dans la forêt et je ne m’inquiétais pas. Mais un jour j’ai compris quand un lundi matin un de mes ouvriers était en retard et que nous faisions du béton, voilà qu’il arrive superbe, souliers vernis, vêtements impeccables, les cheveux brillants de brillantine, je lui dis simplement de prendre une brouette chargée de béton et d’aller la vider à l’endroit prévu. Les autres se sont précipités pour le faire. Je ne l’ai pas accepté et je lui ai dit qu’après avoir vidé sa brouette il aille se mettre en tenue de travail, ce qu’il a fait. Je pense que vous avez compris que quand il n’y a pas de présence féminine, il y a des solutions de remplacement.

Le pandanus, curieux arbre dont le tronc repose sur de
nombreuses racines extérieures, plusieurs dizaines

Il m’arrivait parfois de retourner en France pour voir où en étaient mes affaires. Je laissais mon personnel seul avec un programme de travail. Je ne leur demandais pas un rapport journalier car il m’était facile à mon retour de voir l’avancement des travaux ou le contraire. Mais je demandais à l’un d’eux uniquement d’écrire ce qui se passait sur l’atoll, hormis le travail, leur vie, les incidents, les visites, etc. Ce qui m’a étonné c’est qu’ils avaient peur la nuit, ils entendaient des pas près de leurs tentes et ils n’osaient pas sortir pour vérifier. Téléphonant un jour de France, je leur dis de ratisser et d’égaliser le sol devant leurs tentes, et le matin ils pourraient vérifier s’il y avait eu des traces de pas. Rien n’y a fait, même sans traces de pas ils entendaient le bruit des pas et ils avaient encore peur. Ce sentiment d’être perdus sur un petit atoll au milieu du Pacifique les rendait très fragiles. Quand je suis revenu de France, je leur ai donné rendez-vous près de leurs tentes et dans la nuit nous avons écouté et vu l’origine des bruits, c’étaient uniquement des "eoua", bernard l'hermitte, nombreux, qui bougeant dans la forêt épaisse et parfois glissant sur les feuilles mortes de pandanus donnaient cette impression de pas.
De même, mes employés n’allaient plus dans une certaine zone de la forêt de la pointe sud de l’île où ils sentaient une ‘présence malsaine’. Je dois admettre que parfois nous entendions un cri strident, puissant, étrange, qui les figeait sur place un moment. Un cri d’une origine difficile à classer. Tout cela marquait leur esprit, mais ma présence les apaisait.

Les premiers jours de mon installation à Nukutipipi ont été marqués par deux sensations auditives et visuelles fortes, le cri des pailles-en-queue, le ballet incessant autour de leurs petits et leur ballet aérien à mi-journée au-dessus du lagon, avec leur vol surprenant en arrière, sans doute une parade amoureuse pour le choix des partenaires. Et dans un genre différent, le bruit sourd provoqué par les gros blocs de corail détachés de la barrière immergée, relancés violemment contre cette barrière par la houle venant de très loin. Tout ce tintamarre faisait partie de notre quotidien, et nous y étions habitués.
Il est évident qu’il se passe des évènements plus violents comme ces petits ou moyens tsunamis, venant de très loin, dont l’un d’eux d’ailleurs alors que j’allais prendre une annexe mouillée à 50 mètres du rivage, a soulevé celle-ci, un jour où le lagon était particulièrement calme, sans prévenir, à environ 2 mètres de haut, et m’a lancé violemment l’annexe sur la tête.
Mais il y a d’autres évènements plus personnels et plus graves. Lors de ma première installation pour loger les futurs bâtiments, il me fallait défricher, et à l’endroit choisi il y avait deux très grands pandanus, pas le modèle courant qui monte très haut, mais celui, plus rare, qui monte moins haut et s’étale en largeur. L’un de ces arbres était vivant, l’autre mort, noir, apparemment foudroyé. Je me rappelle qu’à l’époque j’ai pensé que ces deux arbres représentaient le bien et le mal. Seul le pandanus mort gênait ma future construction, donc à éliminer. J’ai fait élinguer le haut de cet arbre, et l’ai attaqué à la tronçonneuse après avoir dit à mes ouvriers de tirer sur l’arbre à mon signal, mais très lentement. Quand le moment est venu et que l’arbre est bien entamé, je leur dis de tirer lentement, et à ce moment là ils tirent de toutes leurs forces, comme des brutes, et le bas de l’arbre vient brutalement se ficher sur mon talon d’Achille, l’abîmant profondément. Heureusement j’avais l’habitude de me soigner. Je désinfecte, je fais un pansement, et l’on continue à travailler. Tous les soirs je refaisais le pansement. La cicatrisation dura plus d’un mois. Mais ce n’est pas fini. Un jour qu’un bateau allait à Mururoa et, comme j’étais sur sa route, il devait me débarquer du matériel, je demande à l’un de mes employés de venir avec moi pour le cas où le matériel serait lourd. Je lui demande de monter à l’arrière de ma motocyclette, et le faisant sa chaussure dérape sur le repose-pieds et rouvre ma cicatrice fraîchement refermée. Encore un mois pour la cicatrisation. Très gênant, un petit coup du sort car je suis obligé de travailler avec mes ouvriers et les diriger sur du sable. C’était au début de mon installation, une mise en train.

Puisque nous sommes dans les anecdotes et qu’elles concernent les étapes 4 et 5 de mon récit, après les évènements du 23 février 1983, le sol de l’atoll avait été creusé et malaxé, mettant à jour certains aspects de son passé lointain, la découverte d’un crâne humain, et sur la barrière, décapé par la force des vagues, un grand rivet en bronze d’environ 25 cm de longueur et de 3 centimètres de diamètre, dont les deux extrémités, travaillées, prouvaient qu’il avait servi et qu’un navire était venu s’écraser sur l’atoll dans des temps lointains. Le rivet encore fixé dans le corail quand il a été trouvé, prouvait ainsi son ancienneté. A cette époque, j’étais trop occupé pour faire un test au carbone 14 pour définir son ancienneté. Les Tuamotu et toutes les îles basses de la Polynésie ont été des pièges mortels, la nuit, pour tous les navires découvreurs et les vieilles cartes marines nomment cette zone « mer dangereuse » avec raison.

Heureux !!!
Heureux ! A l'abri du soleil sous un arbre
feuillu. La taille de mes cheveux, au
départ coupés ras, dénote un séjour de 2
à 3 mois sur l'atoll

Il y avait aussi le crâne humain, et l’employé qui l’avait découvert me dit quelques jours après qu’il n’arrivait plus à dormir tellement le bras et la main qui l’avaient porté le faisaient souffrir. Je lui ai dit que c’était son imagination qui le travaillait. J’ai donc pris le crâne dans mes deux mains et je lui ai dit à demain matin. Évidemment j’ai dormi normalement et lui aussi, ainsi que par la suite. L’homme qui l’avait trouvé était un Européen et pourtant dans l’ambiance d’un petit atoll perdu au milieu du Pacifique, son esprit fragilisé s’imaginait des choses et le tourmentait. Mes ouvriers se sentant mieux quand j’étais avec eux sur l’île, esprit rationnel, et quand je retournais en France je savais qu’ils se sentaient moins en sécurité.
A une autre occasion, un de mes employés polynésiens, bon nageur et revenant à la zone vie en traversant le lagon à la nage m’affirme, excité, avoir vu un homme en scaphandre, comme on voit à la télévision les astronautes, allongé au fond du lagon. Je décidais de vérifier, mais vainement, le lagon est grand.

Le climat était assez chaud, souvent 30°C, mais tempéré par un vent presque constant, et l’eau de mer atteignait parfois 31°C, température à laquelle un bain n’est pas très rafraîchissant, et la sensation de fraîcheur n’existant pas, j’évitais de me baigner. Mais il existe aussi un hiver tropical, en juin juillet août où la fraîcheur existe et il fallait parfois se couvrir chaudement, comme j'ai pu le constater lors de mon séjour sur l'atoll d'Ahunui en 1979.
Certains soirs, si le ciel était clair, et la pollution atmosphérique n’existant pas à Nukutipipi, on pouvait voir la voie lactée parfaitement et dans son épaisseur. Cette pureté de l’air nous permettait de voir aussi défiler les deux satellites espions de surveillance de Mururoa pour le compte de pays étrangers, ainsi que la planète Vénus qui défilait rapidement dans le ciel et je restais souvent la regarder plonger dans l’horizon. Il s’est passé une nuit un phénomène extraordinaire. Dès 20 heures, une chape de nuages gris foncés se tenait immobile au-dessus de l’atoll, et l’orage a commencé, gros éclairs suivis immédiatement par le tonnerre, énorme, à une seconde près, et ce pendant plusieurs heures avec une pluie peu abondante mais à grosses gouttes. La cadence éclair-tonnerre était si intense que je sentais l’atoll vibrer sous mes pieds. Je pense que cela a duré 4 heures. Au milieu d’un océan énorme, la nature joue son jeu à plein, et seul le hasard d’un homme sur un petit atoll perdu au milieu du Pacifique permet de relater ces faits.
Mais dans l’ensemble, à part durant l'hiver tropical, le climat était très agréable, ensoleillé, avec de beaux nuages dans le ciel et parfois de la pluie, bienvenue, et l’on peut dire que j’étais heureux !

Oui, mais avec au dessus de moi une épée de Damoclès, les cyclones.
Le 25 février 1983 le ciel s'est mis à se plomber de plus en plus, la mer grossir, prélude à un évènement majeur comme l'attestent les deux photos, l'une prise à 14 heures et l'autre à 16 heures de ce jour là.

Arrivée du cyclone

Ayant besoin de téléphoner à ma banque, le chef des radios inter-îles, un homme originaire d'Henvic, dans le Finistère, me dit textuellement : "Madec, ce n'est pas le moment de penser à tes sous, mais plutôt à ce qui se prépare, un énorme cyclone 'Orama' se dirige vers toi, et depuis ce matin on essaie de te joindre par radio mais sans succès, et un avion attend ta décision pour vous évacuer, malgré l'extrême urgence.
J'ai répondu immédiatement : "Je reste", mais demande à l'ouvrier et son amie, qui étaient près de moi, d'accepter l'offre car je préfère être seul face à ces évènements. Ils préfèrent rester puisque je reste. Comme ce cyclone ne devait atteindre Nukutipipi que le lendemain matin vers 6 heures, étant donné sa vitesse de déplacement, nous avons le temps de prendre les précautions indispensables, mettre à l'abri le plus possible de matériel et d'objets personnels, préparer une réserve de nourriture et d'eau, vérifier les amarrages des embarcations, rassembler le maximum de vêtements pour nous matelassser et aussi les casques de chantier. Puis nous dînons et rejoignons nos bungalows.
J'ai dormi normalement, pas eux.

Nous sommes le 26 février 1983 à 5 heures du matin et après avoir pris le petit-déjeuner, conséquent, nous prenons les dernières dispositions avant l’arrivée du cyclone ‘Orama’ prévue aux environ de 6 heures.
J’avais repéré la veille un endroit près de mes installations, sans cocotiers, pour éviter de recevoir des noix de coco, comme des boulets de canon, quand le cyclone arrivera. Et assis sur des chaises, face au lagon, nous attendons l’arrivée du ‘monstre’.

Il arrive à 6h15 et les évènements se déchaînent immédiatement. La forêt primaire s’éclaircit à vue d’oeil, les cocotiers sont déracinés, les pandanus sont décapités mais pas déracinés, formant un fouillis végétal impénétrable.
Nous avions quitté nos chaises, car une houle se formait à l’intérieur du lagon, nord-sud, et devenait de plus en plus forte, remontant sur l’atoll et amenant avec elle de nombreux débris végétaux.
Brusquement, je vois arriver vers nous, amenée par la houle, une masse de cocotiers roulant sur eux-mêmes et montant sur l’atoll. Je crie à mon ouvrier et à son amie de se mettre à l’abri dans la forêt détruite. Et à ce moment là, mon attention ayant été détournée, je me trouve face à face à cette masse de cocotiers venant vers moi à forte allure et pour me protéger, je monte sur les cocotiers en mouvement, mais malheureusement je finis par glisser sur cette masse mouvante et je me trouve sous elle et sous l’eau. L’instant était, disons-le, extrême et avec le poids de cette masse sur moi et avec une respiration aléatoire. Seuls les allers-retours de la houle m’ont permis deux fois, à un moment où j’avais épuisé mon air, à la limite de la mort, de survivre. Puis j’ai pu m’en sortir, je ne sais comment, mais j’avais perdu mes chaussures, mon casque de chantier et une partie de mon matelassage.

Sorti de ce mauvais pas, je me dirige vers mes bungalows où je retrouve mon ouvrier et son amie qui n’étaient pas encore réfugiés dans la forêt primaire détruite, comme je leur avais demandé de le faire. Et nous regardons l’ensemble des constructions qui se tenait ferme face à la furie des vents, et je me rappelle que l’ouvrier me dit : « Patron vous avez construit solide ». Les bungalows vibraient mais résistaient. La puissance du vent était telle que voulant pénétrer dans mon bungalow, je n’ai pas pu ouvrir la porte, heureusement, car venant de loin un grondement énorme se fait entendre prélude d’un énorme déchaînement du cyclone. Nous nous mettons à l’abri de la forêt primaire où je leur intime de se réfugier. Quant à moi, je veux rester témoin des évènements qui vont suivre.
Brusquement, un déchaînement de fin du monde arrive, je dois me protéger des débris végétaux que le vent projette, mais je reste et veux voir comment mes constructions vont réagir face à cette furie.
La houle à l’intérieur du lagon devient énorme et suce le sol jusques derrière mes bungalows, et à la longue leurs fondations sont mises à jour et mes bungalows, l’un après l’autre disparaissent. Je suis à l’abri de la forêt primaire, ce qui m’a sauvé la vie, et pendant des heures j’ai pu rester un spectateur mobile de ce qui s’est passé, car mon atoll a été balayé depuis 6h15 jusqu’à 17h, heure à laquelle tout est devenu plus calme, et le jour est revenu.
Il faut ajouter que dans la forêt primaire le niveau de la mer atteignait mes hanches. Entre-temps, mon atoll est entré ‘dans l’oeil du cyclone’, phénomène extraordinaire, dont je connaissais le principe mais pas le réel, il y a un monde entre les deux.
Brusquement la furie s’éteint, plus un mouvement, un silence de mort, sépulcral, le niveau de la mer baisse, et je savais que cela n’allait durer que quelques minutes. Je décide d’aller voir ce qu’est devenu ma piste d’atterrissage, et à travers des masses de débris végétaux et de grands creux remplis d’eau, j’atteins ce qui était ma piste d’atterrissage. Je ne peux voir qu’une immensité sableuse, parsemée de grands trous, et côté lagon l’immense masse de la forêt primaire détruite. Côté nord où était ma cocoteraie, plus rien. Seuls quelques cocotiers déplumés, à peine une centaine, ont survécu côté sud-est.
Voulant retourner sur mes pas, craignant le retour du cyclone, je veux rejoindre la forêt primaire détruite pour trouver un abri. Trop tard, d’un seul coup la furie est de retour, alors que debout je tentais de rejoindre un abri, le vent m’a soulevé comme une plume et projeté à plus de 10 mètres sur mon épaule gauche, toujours sensible depuis. Je n’ai pu rejoindre l’abri souhaité qu’en me roulant sur moi-même.
Et les heures passent jusqu’au moment où le ciel s’éclaircit un peu car pendant des heures Nukutipipi était sous pénombre, et à 17h le niveau de la mer baisse, le vent diminue et Nukutipipi sort de l’eau.
A ce moment là, je vais à la recherche de mon ouvrier et de son amie et j’ai beau crier et personne ne me répond et je m’inquiète. Enfin on me répond, je leur dis de me rejoindre. On me répond que bien encordés sur une souche d’arbre ils y passeront la nuit. Traumatisés !

Quant à moi je pars à la recherche parmi la masse de débris végétaux d’une nourriture possible, car nos réserves de nourriture et d’eau de survie étaient, comme le reste, détruites. Les cocotiers avaient disparu avec leurs noix de coco.
La nuit tombait, il me fallait rechercher un endroit pour dormir. Je me décide pour le seul bungalow resté sur l’atoll, à demi détruit et à demi couché sur le sol. Avec le reste de mes vêtements du matelassage, même mouillés, je me cale comme je peux dans un angle du bungalow incliné, et je dors, ainsi que les autres dans la forêt.
Le lendemain matin à 6h les ouvriers et son amie étant venu me rejoindre, nous tentons de mettre en place une cuisine de survie en essayant de trouver dans la masse des débris une cuisinière, du gaz, etc., etc. En le faisant nous trouvons quelques noix de coco qui nous permettent de nous réhydrater. A ce moment là un avion de tourisme nous survole et par radio signale au Haut-commissariat que nous sommes vivants et que l’atoll est entièrement détruit.
Nous continuons nos recherches, nous trouvons en premier une cuisinière complètement cabossée, mais sans doute utilisable, puis une bouteille de gaz avec son détendeur. Mais comment allumer le gaz. Dans chaque bungalow il y avait un système de réchaud à gaz avec son système d’allumage piezo-élecrique, qui miraculeusement était resté fixé sur la cloison de la cuisine d’origine. Mais il fallait trouver un objet sec pour allumer la cuisinière, or l’atoll était resté sous l’eau plusieurs heures, tout y était trempé. En continuant à fouiller sur plusieurs centaines de mètres les débris, je trouve un livre d’aventure trempé, mais au coeur duquel il y avait une petite partie sèche. Nous trouvons alors une deuxième bouteille de gaz avec son détendeur qui branché sur le chauffe-eau nous permet d’avoir une petite flamme.
Nous calons la cuisinière dans un angle du bungalow couché, ensuite prenant dans le coeur du livre une petite partie de feuille sèche, nous l’allumons au chauffe-eau et en faisant très vite nous réussissons à allumer la cuisinière, victoire ! Il nous fallait ensuite trouver du matériel de cuisine, au moins une poêle et une casserole et de quoi cuisiner, ainsi que des produits alimentaires. Nous trouvons un bidon d’huile de cuisine, percé et plein d’eau de mer, mais utilisable quand, mis debout, par la différence de poids spécifique, il se révèle qu’un bon tiers est utilisable. Nous trouvons ensuite un carton de cuisses de poulets, percé et ensablé, mais qui lavé dans l’eau turbide du lagon nous semblait merveilleux. Nous continuons notre recherche. Nous trouvons à la longue quelques couteaux, fourchettes, etc.
Le carton de cuisses de poulets étant grand notre menu a toujours été le même matin, midi et soir. Les cuisses craquaient un peu sous la dent, car bien que soigneusement lavées il restait quelques grains de corail.
Le lendemain du cyclone nous l’occupons à faire le point des pertes subies, le chaland jaune a résisté, la baleinière a disparu, le bateau a fond de verre très abimé mais récupérable, l’annexe alu tordue comme par une main puissante.

Et nous avons l’heureuse surprise le 27 février au matin de voir arriver un avion Neptune de l’aéronavale, qui vient vers nous en rase-mottes et à quelques mètres de nous largue deux containers de survie. Un vrai travail de professionnel. Nous nous empressons de les ouvrir, beaucoup de riz, quelques litres d’eau douce, une pharmacie mais pas d’allumettes ! etc.
Je sais que des secours vont être organisés par le Haut-commissariat pour nous sortir de Nukutipipi, et je ne m’inquiète pas. En effet 3 jours après le cyclone, le 1er mars 1983, nous entendons le bruit sourd d’un moteur, il y a là un bateau qui nous recherche, mais l’atoll qui a été submergé et qui sèche est caché derrière une boule de brume comme me l’a expliqué le commandant du remorqueur de haute mer ‘le Tapatai’ une fois recueilli à son bord.
Le remorqueur stoppé au nord-est de l’atoll nous permet au son de le localiser. Nous nous révélons par nos cris et le zodiac du remorqueur qui circulait près de l’atoll nous permet un contact, mais la mer encore très forte ne permet pas au zodiac d’atterrir que nous devons rejoindre à la nage sur environ 100 mètres. La situation est celle-ci, une grande lame déferlante vient régulièrement s’écraser où nous sommes, suivie peu de temps après par une seconde pendant qu’une troisième est en préparation, et nous devons passer à la nage sous l’eau les deux premières, la troisième n’étant pas dangereuse. Heureusement que tout le monde sait nager. Mon ouvrier le premier a tenté l’aventure, de justesse, puis son amie un vrai poisson dans l’eau. Puis à mon tour je tente avec difficulté, car j’ai le dessous du pied gauche blessé, ce qui m’empêche de courir assez vite pour plonger à temps sous la déferlante. Je suis rabattu en arrière et me voilà renversé sur le dos parmi les coraux coupants, refoulé très rapidement. Je tente évidemment un nouvel essai avec le même résultat. Dans ce genre d’événements il faut réfléchir très rapidement, je décide de me rapprocher au maximum de la déferlante et dans le bouillonnement de sa chute, je nage et plonge sous celle qui arrive. Opération réussie ainsi que pour la seconde. La troisième n’étant qu’en formation, aucune difficulté. Je suis récupéré ensuite par le zodiac et j’embarque sur le Tapatai. Et le commandant se précipite pour prévenir par radio le Haut-commissaire que nous sommes récupérés et reviens vers moi, toujours sur un pied et me dit qu’on allait me soigner. Je lui ai simplement demandé un grand verre de whisky que j’ai avalé d’un coup, disant au commandant, voilà je suis à votre disposition. Le mécanicien-infirmier, voyant ma blessure, fait la moue et décide de couper les chairs pendantes et me fait un pansement sérieux. C’est ici que se termine la 4ème étape de mon aventure.

Arrivés à Mururoa nous sommes soignés à l’hôpital et après un repas réconfortant nous passons une nuit calme. Le lendemain matin une caravelle rejoignant Tahiti nous ramène, j’allais dire sur terre ferme, et là tous mes amis m’attendent, certains en pleurs. Après les premières embrassades et congratulations, je leur demande de me suivre à l’hôtel Maëva Beach, où je logeais quand je quittais mon atoll et où nous pourrions parler pendant que j’avalerais une omelette frites et du beaujolais. J’étais toujours avec mon seul maillot de bain comme vêtement. Puis nous nous quittons et je vais à Papeete faire les achats nécessaires à une tenue correcte. 2 heures après c’était fait mais je marchais sur une jambe et avec une canne.
J’étais décidé à retourner en Europe pour m’y reposer quelques mois mais auparavant je voulais attendre la guérison de mon pied. Cela a duré quelques semaines. J’ai pu ainsi me reconstituer car, bien qu’homme solide, malgré mes 60 ans, tous les chocs subis dans des conditions atmosphériques extrêmes m’avaient un peu marqué.
Cela m’a permis aussi de décider de la reconstruction de mon atoll, car j’ai une théorie vitale qui veut que je ne laisse aucune ruine derrière moi, jamais.

Nukutipi, sur la route des 3 cyclones Orama, Reva et Veena

ETAPE 5 : On recommence !

Je retourne donc en France, et ayant décidé la reconstruction de mon atoll j’entame l’étape 5 de mon aventure polynésienne, la préparation de mon retour, l’achat de nouveau matériel dont, en priorité, un tractopelle Case qui devait remplacer provisoirement le charriot-élévateur sinistré et qui devait aider, une fois le matériel de reconstruction de la piste d’atterrissage retourné à Tahiti, aux derniers travaux de reconstruction de l’atoll, et cela ne manquait pas. Et aussi, évidemment, l’achat d’un détecteur de métaux pour remplacer le premier, cycloné, et qui m’avait tant rendu service. Mais le plus gros de mes besoins pourrait cette fois-ci être trouvé à Tahiti.
Il me fallait cependant retourner sur mon atoll pour évaluer, dans le calme, l’état des lieux et un plan de reconstruction raisonné. Je reviens donc début juin 1984 à Tahiti et profitant d’un navire de la marine nationale qui se rendait à Mururoa, les autorités m’autorisent à embarquer, et arrivé à Nukutipi, accompagné de plusieurs membres de l’équipage, armés de pelles et de pioches, nous tentons en priorité d’évaluer l’état de la piste d’atterrissage. De ma belle piste il ne reste côté sud de l’atoll qu’une petite partie de fondations encore en place, environ 100 mètres. Tout est à refaire.
Puis nous visitons l’atoll qui n’est plus que creux et bosses, et la cocoteraie de plusieurs milliers de cocotiers a disparu, sauf quelques dizaines de rescapés très abîmés côté sud.
Mais il y a plus grave, pendant mon absence, un deuxième cyclone a frappé mon atoll, ‘Reva’, très violent aussi et qui a achevé la destruction du peu qui restait encore intact. Et ce n’est pas fini, le 10 mars 1983 un autre cyclone encore ‘Veena’ touche Nukutipipi.
Après le cyclone Orama, j’avais un repère, ma petite moto était ensablée complètement, seul émergeait du sol le carreau du phare avant, après Reva ma moto était entièrement sortie du sol, mon chaland jaune rescapé d’Orama, était échoué au nord de l’atoll, abîmé, plus de z-drive, plus de quille, etc.
Nous repartons vers Mururoa puis retour vers Tahiti et la France. Je reviens donc en France avec une vue plus complète de tout ce qu’il y aura à faire pour redonner vie à Nukutipipi. J’ai pris quelques photos, ci-jointes, qui montrent l’étendue des dégâts, en partie.

La petite île a été réduite par le cyclone au tiers de sa surface primitive
Mon pauvre dessaleur d'eau de mer Travail de récupération du matériel
Herbe inconnue avant les cyclônes, qui s'est installée dans les deux îles, à croissance rapide, et qui, si j'avais attendu encore ma reconstruction aurait entièrement recouvert la zone vie
Spécimens de blocs de corail, sortis de l'océan, certains pesant 100 tonnes, détachés de la barrière récifale
et ayant sauté de plus de 7 mètres sur le platier
Chaland jaune abimé, mais récupérable
Zones ayant perdu leur humus au cours des 3 cyclones successifs qui ont frappé l'atoll en 1983
L'ancienne cocoteraie entièrement détruite

Pourquoi certaines parties de l'atoll ont-elles perdu leur humus dans la partie nord-est ? Parce qu'un bourrelet naturel fait au cours des siècles et des perturbations par accumulation de sable et de coraux de toutes tailles, et qui unis par un phénomène de cémentation, avaient la dureté d'un béton cyclopéen et protégeait la partie nord est de l'atoll, et par le fait même avait permis, par sa protection, à un humus de se constituer au cours des siècles précédents. Ce bourrelet ayant cédé au cours du cyclone, percé en deux endroits, l'humus a disparus sur quelques hectares, et il faudra attendre encore quelques siècles pour qu'il se reconstitue, si un autre cyclone "Orama" ne survient pas.

Les préparatifs de retour en Polynésie terminés, j’y reviens le 12 octobre 1984, et après avoir complété mes achats, les mêmes que lors du 1er séjour, eau douce, nourriture, pharmacie, deux grandes tentes prêtées par l’armée, frigidaire à pétrole et congélateur à pétrole qui fonctionneront jusqu’à ce que le solaire prenne le relais, une radio et sa batterie, etc. Le tout, y compris les engins destinés à la reconstruction de la piste, transporté par le navire Meherio II. Redébarquement. Et on recommence.

Tentes où nous avons vécus à quinze personnes le temps de la reconstruction de la piste et des autres bâtiments

Le sol était tellement défoncé qu’il a fallut que le bulldozer trace une route de deux km depuis le lieu de débarquement jusqu’à la zone où nous devions monter les deux grandes tentes de l’armée, l’une destinée à une cuisine réfectoire et l’autre pour une tente dortoir pour les 15 personnes que nous étions alors et vivre en commun, cela fut fait mais tard dans la nuit.

Mme tapare

Le travail était immense, partout la destruction, des monceaux de débris mêlés à du matériel qu’il va falloir trier ou brûler ou enterrer, c’est le travail de mon équipe pendant que l’autre entamera la reconstruction de la piste d’atterrissage, équipe menée de main de maître par une femme remarquable, chef d’entreprise, meneuse d’hommes, sachant tout faire, cuisinière, coiffeuse, et participant intensément aux travaux de construction de la piste, Mme Tapare. Un personnage, excellente cuisinière, réglant le cours des repas, désignant celui de ses ouvriers destiné à la prière du début des repas. Cela m’a fait plaisir de voir qu’en Polynésie un personnage pareil existait.
Nous dormions tous dans la même tente, situation surprenante, différence de civilisations, d’éducation, il fallait parfois se boucher le nez et les oreilles !
Avant toute autre chose, il fallait déblayer les débris et récupérer le plus possible d’éléments réutilisables. Les objets lourds étaient restés sur l’atoll, le charriot-élévaleur retourné, une jante abîmée et son gros pneu éventré à remplacer, ainsi que la génératrice redressée, vidangée et graissée tous deux prêts à être ramenés à Tahiti pour réparations. Ces deux engins revinrent à notre plus grande joie en juin 1985.
La grande remorque dans le fouillis est intacte ainsi que les grandes palettes, les caisses de batterie pour le solaire, les réserves d’électrolyte, les caisses de pointe, les chaînes, etc. 7 bungalows ont explosé, le 8ème loin de son emplacement d’origine, est couché sur le côté sur le sol, inversé mais dont la structure semblait assez solide pour envisager une réutilisation. Le chaland plastique est récupéré, le bateau à fond de verre abîmé mais récupérable, la baleinière disparue, le dessaleur inutilisable, toute l’installation de vie détruite, peu de panneaux solaires récupérés en surface, mais armé de mon détecteur de métaux j’en récupère une vingtaine dans le sol, très peu d’abîmés, et qui se sont révélés aussi performants que les autres. C’est vraiment l’engin qui convient au cours de ce genre de catastrophes. En plus de ces panneaux solaires, j’ai récupéré des ustensiles de cuisine, des outils, des objets divers réutilisables. Brave détecteur de métaux ! Avec ce que nous récupérions dans la masse de débris il y avait aussi ce que nous récupérions dans le sable du lagon. En effet, j’avais dis à mon personnel que quand il se promenait au bord du lagon, de regarder le sable qui était très blanc et que si une autre couleur pointait il fallait gratter. On a ainsi beaucoup récupéré d’objets divers.
D’autre part, quand il y avait dans le lagon une forte houle, nous découvrions aussi beaucoup d’objets divers, échelles et autres, pointes, outils, etc., etc. A Nukutipipi tout objet retrouvé était un trésor. Mais par rapport à l’essentiel, cela faisait peu. Mon laboratoire avait disparu avec tout son matériel spécifique, ses produits et surtout mes documents, car j’étais, en France, un pionnier de la mariculture et mes notes étaient essentielles. Cette perte a modifié mes projets.
Dans un autre genre de choses, plus personnel, j’avais mis mes objets personnels dans deux valises Vuitton dont l’une d’elles contenait une petite sacoche de la même marque. Je n’ai retrouvé aucune d’entre elles, broyées par le cyclone, sans doute détruites, et en fin de cyclone Orama quand le jour est revenu, je vois, au milieu de la désolation accroché à une branche d’un arbre cassé, ma sacoche Vuitton, intacte et contenant tous mes papiers, mon argent, et deux pellicules qui ont donné les photos mises à la fin de l’étape 4. Cette sacoche, noyée, malmenée, est restée étanche, bravo maison Vuitton ! Cette sacoche me sert toujours.
L’une des valises contenait aussi le cadeau que je m’étais fait pour mes 50 ans, une belle montre Piaget, à cadran oeil de tigre, dont la taille correspondait à un fort poignet comme le mien. Sa perte me peinait car je suis un homme ‘objets’ très attaché à ceux que je choisis.
J’avais donc dis à mon personnel, sans trop d’espoir, que celui qui trouverait ma montre aurait une forte récompense, je pense l’équivalent d’un mois de salaire. Le temps passait, mon personnel, motivé, y pensait quand il se promenait sur la plage ou en bord de lagon, et un jour, 2 ans après la promesse de prime un de mes ouvriers, alors que nous déjeunions, arrive en retard mais la montre en main. La montre était dans le sable du lagon sous l’eau, et seul un petit morceau de bracelet noir en peau de crocodile dépassant le sable, a amené mon ouvrier à gratter et à trouver la montre qui, au bout de 3 ans d’immersion était couverte de petites algues et de grains de corail. Je l’envoie telle quelle à un ami bijoutier de Papeete qui vérifie l’étanchéité qui était parfaite, et qui allant à Paris, par hasard le lendemain, l amène à la maison Piaget qui la transmet immédiatement à Piaget Genève. Un mois après, ma montre me revenait avec les compliments de la maison Piaget, et là pendant que j’écris ce texte, elle est à mon poignet.
Au cours des cyclones aussi violents que ceux qu’a subi Nukutipipi, il se passe des choses étonnantes. Ainsi mon autoclave de laboratoire, de forte épaisseur pour résister à de fortes pressions internes, donc très solide, était tordu comme par une main puissante, par contre les erlenmeyers, récipients minces en pyrex, ont bien résisté même enfouis dans la plage ou dans le lagon.
Les travaux de déblaiement, de mise en forme du terrain où nous allions construire les 5 bungalows donnés par la France, et distribués arbitrairement par le gouvernement local, comme dans toute catastrophe, malgré mon dossier parfaitement présenté accompagné des factures correspondantes, ont duré deux mois le temps que ces bungalows me parviennent. Les 5 bungalows étaient accompagnés de deux moteurs hors-bord. Entre-temps nous avions redressé le bungalow cycloné et rescapé, et avec difficulté posé sur des plots de ciment. Il n’y avait plus de portes ni de baies vitrées, et je m’y suis installé, une porte ayant été trouvée dans les débris, et la baie vitrée ayant été remplacée provisoirement par des panneaux de bois. Ces débris s’étalaient sur environ 500 mètres et cela a demandé beaucoup de temps pour être sûr d’en avoir à peu près terminé.

Au cours des cyclones, la houle ayant dévoré environ 50 mètres de terrain où nous avions construit les 8 bungalows, le bulldozer qui participait à la reconstruction de la piste, quand il avait un moment de libre, remontait tout ce sable et remodelait l’atoll. Cela permettait aussi de remettre à jour une quantité de matériel divers. Les travaux de reconstruction de la piste menés par Mme Taparé avançaient rapidement, mais en suivant les obligations de construction d’une piste agréée par l’aviation civile. Et enfin le premier avion atterrit sur une piste magnifique le 18 mars 1985, grand événement.
Mais début décembre 1984, les employés de Mme Tapare qui depuis des mois fabriquaient des pistes d’atterissage dans d’autres îles avant le mien, dans un inconfort parfois total, ont revendiqué ou plutôt exigé qu’ils passent les fêtes de fin d’année à Tahiti. Nous étions tous d’accord, je me voyais dans un hotel de luxe, servi, sans responsabilités, rêvassant dans l’eau chaude de ma baignoire etc. Mais il y avait un gros problème, je n’avais pas de possibilités de transport pour tout ce monde. La piste était loin d’être terminée et pas de navire ou goëlette prévu pour un passage devant Nukutipipi avant les fêtes. Le haut commissaire, informé par M. Brouta de la situation, après accord avec le ministère de la Marine et de l’amiral, décident, puisque la "Jeanne d’Arc", au cours de son voyage autour du monde se trouvait vers le 15 décembre à Mururoa, et était un peu en avance sur son programme, de nous récuperer tous. Suprenant... Nous voyons donc un jour arriver ce navire avec sa petite flotte d’accompagnement près de mon atoll, et deux hélicoptères atterir sur la futur piste. Le premier officier qui vient vers moi me demande si je le reconnais, j’avoue que son visage me semble familier, mais que je ne peux le situer. C’était un administrateur des affaires maritimes de Morlaix, près de Carantec, et dont je dépendais en tant qu’inscrit maritime ostréiculteur.

Atterrissage sur la future piste en construction

L’océan était pacifique comme je ne l’avais jamais vu, lisse comme un miroir et pendant les deux jours qu’a stationné la Jeanne d’arc près de mon atoll. Tous les employés ont été embarqués sur le navire par les hélicoptères, ainsi que moi et Mme Tapare. Les polynésiens étaient installés dans un hangar d’hélicoptère, et moi dans une cabine.
Nous étions tous bien traités, et tous les jours aux environs de 17 heures le haut parleur du bord hurlait « Que ceux qui veulent apprendre à danser le Tamoure se présentent au pont des hélicoptères où Mme Tapare vous apprendra à ne pas être ridicule si une Vahiné vous invite ».
Quant à moi, j’ai animé deux causeries concernant l’ostréiculture et la « hatcherie » qui représente le futur, laboratoire de production de jeunes nessaims d’huitres plates et de coquillages divers et hors saison et devant le groupe des futurs administrateurs.
La « Jeanne d’arc » devant arriver à Tahiti à telle date et à telle heure, suivant un plan longtemps établi à l’avance, prenait son temps et à telle heure et à telle date nous sommes arrivés au port de Papeete où une foule nous attendait.
Ce navire arrivé au quai, avant que les cérémonies commencent, il a fallu se débarasser de nous, et au grand étonnement de la foule toute notre drôle d’équipe est descendue et les fêtes ont pu commencer.

Mme Tapare sur son rouleau vibreur, début 85.
Il n'y plus de plantations, vue directe sur l'océan
Sur la droite de la piste, les nouvelles
plantations cinq ans après

Les travaux de recherche du corail spécial à la fabrication de la couche supérieure de la piste ont demandé du temps dans un atoll, broyé, lessivé par les cyclones, mais il fut trouvé, et Mme Tapare, elle-même, pendant des jours sous une pluie fine et constante inhabituelle, sur son rouleau vibreur, en a fait une piste aussi dure que du ciment. Et d’après mes renseignements, elle est toujours intacte et vierge de toute végétation, comme c’est rarement le cas dans les Tuamotu.
Mais la recherche difficile de ce corail a amené les engins à faire de nombreux sondages dans le sol de l’atoll pour le découvrir, et ceci a également fait découvrir une lentille d’eau douce posée sur de l’eau de mer, car l’atoll est poreux à cet endroit. Cette lentille avait environ 80 cm d’épaisseur, et quand le niveau de la mer montait dans le lagon, la lentille montait aussi dans le puits que j’avais fait aménager. La crépine d’aspiration, associée à un flotteur, restait toujours dans la zone d’eau douce à mi-hauteur. Pour pouvoir utiliser cette eau, j’avais construit un chateau d’eau, en utilisant les poutres en bois de mes bungalows détruits et supportant une cuve de 1500 litres de contenance et alimentant par gravité mon chantier situé à 300 mètres.

Cocotiers et arbres de fer, près du chateau d'eau en 1985 Les mêmes, 5 ans après

Vous avez dû remarquer que j’emploie souvent le mot ‘je’, à part la piste d’atterrissage, j’ai tout construit, imaginé les constructions, si belles soient elles, mais évidemment aidé par mon personnel, sans spécialité. En France, j’avais aussi beaucoup construit, bâtiments, bassins, quais, pour les besoins de mes établissements. Je n’étais pas un novice et j’ai toujours aimé créer, et c’était une condition ‘sine qua non’ à mon aventure polynésienne comme je l’imaginais.

Dans mon plan de reconstruction, j’avais décidé de privilégier les bâtiments industriels par rapport aux bâtiments d’habitation. Je préférais sauver mon matériel lourd, tractopelle, chariot élévateur, grosse génératrice, et l’atelier en général, nécessaires à une survie rapide en cas de nouveaux cyclones. C’est pourquoi tous mes bâtiments industriels, le hangar à gros engins, l’atelier de 25 mètres et le bâtiment contenant la génératrice électrique, le compresseur pour les bouteilles de plongée… auraient tous une base solide, dalle de béton armé posée sur de fortes fondations et supportant elle-même des murs en béton armé eux-mêmes liés à la dalle, murs de 1 mètre de haut et de 30 cm d’épaisseur. Dans mon esprit, s’il y avait un cyclone, même de la force d’Orama, même si les cotés et les toits des bâtiments étaient détruits, la base ne bougerait pas et le matériel serait sauvé. Les ouvertures elles-mêmes, à la demande, étaient prévues blindées.
Les bâtiments d’habitation fournis par le gouvernement étaient prévus pour être posés sur plots de béton, donc fragiles devant un cyclone genre « Orama ».Mais l’essentiel serait sauvé dans les bâtiments industriels avec tous les matériels qu’ils contiendraient.
Mais, plaise au ciel, qu’un autre « Orama » ne naisse !

15000 noix de cocos ont été importées, qui ont permis, après éviction des malformées et des plants en terre atteints de chlorose définitive,
de planter finalement 13000 noix de cocos

Les travaux avançaient, à la fois les bâtiments et la replantation totale de Nukutipipi. Il fallait faire venir les noix de coco de Tahiti et de Moorea, la terre végétale pour une bon démarrage de la pousse et un peu d’engrais. 100 tonnes de terre de bonne qualité on été ainsi amenées sur l’atoll, et 15000 noix de coco, et 1000 Aîtos ou arbres de fer.
Dans le stock de noix de coco à planter, constamment renouvelé, dès qu’un nombre assez important présentait une pousse, nous les plantions, en commençant par les arbres de la piste, puis en allant vers la pointe Nord de l’atoll, où tous les milliers de cocotiers avaient disparu. Je me rappelle avoir participé activement à ces replantations, sous un soleil de plomb, pour être sûr que le travail serait fait sérieusement, les pousses posées face au vent dominant, et n’avoir jamais pu penser pouvoir boire autant d’eau en une seule matinée pour résister à la chaleur implacable.
Les travaux de reconstruction avançaient aussi, mais moins vite, car la fourniture des cinq bungalows par le gouvernement était incomplète, et il nous fallait attendre que les pièces manquantes nous parviennent après une longue attente.
Entre temps, il nous fallait aussi vérifier tout le système de récupération des eaux usées que la violence du cyclone avait perturbé, jusqu'à deux mètres de profondeur, les canalisations et les bacs de décantation.

Mais tout avançait malgré tout, et un jour je me décidais à penser à ce pourquoi j’étais venu à Nukutipipi, la ferme marine et son lagon. Mon laboratoire, ses produits et son matériel ayant disparu ainsi que mes documents, je devenais plus conventionnel et je me décidais à tâter de l’huître perlière, sans passion. J’achetais des nacres adultes, que je fis opérer par un spécialiste japonais, et j’ai attendu.
Je fis l’acquisition de jeunes nacres que je suspendis sous des cadres sous-marins, après les avoir mis en poches et j’ai attendu. J’ai recréé aussi sur certaines « patates » ou massifs de corail sous-marins, les éléments d’une future reproduction naturelle, cent nacres posées assez près l’une de l’autre en de multiples endroits favorisant ainsi la fécondation lors de l’émission des produits génitaux et j’ai attendu.
Et un jour, plus de 2 ans ½ après, j’ai ouvert les premières nacres opérées et en ai récolté normalement les perles, dans la proportion habituelle, très peu de belles, nombreuses correctes, et les autres sans intérêts. Mais sans conviction. Ce n’était par pour cela que je voulais créer une « ferme marine » basée sur mes connaissances en Mariculture.
Notre travail de remise en état de Nukutipipi était tel que pour moi il était prioritaire, et bien que se déroulant bien, il allait me demander encore au moins deux ans de travail opiniâtre, pour rendre l’atoll encore plus beau qu’avant les cyclones. En effet, avant ceux-ci, j’avais hérité d’un atoll tout fait qui limitait mon empreinte ; après les cyclones et la destruction totale à la fois de la couverture végétale et du socle minéral, je pouvais le remodeler à mon goût, et en faire mon enfant, superbe, un paradis.

Dans la partie de l'atoll la plus éprouvée par le cyclone, dans la courbe intérieure du lagon, il a fallu protéger cette partie très fragilisée
face aux évènements possibles

Je lui ai donné d’abord une belle chevelure. Mais avant la replantation entière, il a fallu débarrasser ces zones de tous les blocs de corail que les cyclones avaient disséminés un peu partout. J’en ai profité pour construire un mur de protection et de soutien dans une zone particulièrement touchée par les cyclones, d’une longueur de 500 mètres, mur à l’intérieur duquel j’accumulais, personnellement, au moyen de mon tractopelle, une masse de sable quand je le pouvais et surtout le Dimanche. Ce travail terminé, nous avons pu replanter cette zone en arbres particulièrement robustes, Aitos ou arbres de fer et arbustes locaux, et des cocotiers en bordure de la piste.

Il était sur son char...

Les autres zones où était la grande cocoteraie, détruite, ont suivi, sauf les parties où le sol avait complètement disparu. Mais pour elles, en fin de journée, je prenais mon vélo moteur et recueillais les graines des arbustes locaux rescapés, qui 2 ans après les cyclones produisaient de nouveau des graines, et avec le geste de la semeuse, je les distribuais, et quelques mois après, quelques unes de ces graines avaient trouvé des fentes dans ce roc et avaient pris racine, miracle de la nature, et ce sur des zones assez importantes. En finale, 13000 cocotiers, 1000 Aitos, et de nombreux arbustes locaux on été plantés.

Des amis au Fare Pote Mon moyen de transport pour mes invités
Le professeur Salvat et madame, excellents amis, ont fait une excellente étude durant un mois de Nukutipipi dans tous ses aspects, à la
suite de laquelle un compte rendu très complet a paru. Après une dure journée de travail le professeur et madame, elle même scientifique,
s'agitaient de deux façons différentes. Nous étions face au lagon en train de siroter une boisson que j'imagine autre que de l'eau pendant
que madame préparait à la cuisine notre bon pain. Compétences diverses et multiples et je l'appelai affectueusement ma boulangère préférée

Je pense qu’en 1988, l’essentiel de la remise en état de l’atoll était presque terminé et je commençais à mener une vie plus humaine, des amis venaient séjourner quelques jours en avion, mais avec une obligation très stricte de passer à la fumigation tout légume ou fruits apportés pour éviter les cochenilles sur mes jeunes cocotiers, et aussi avant de descendre de l’avion, d’y supporter une fumigation avant de descendre, pour tuer tous les insectes venant de Tahiti, surtout les moustiques, car Nukutipipi en était dépourvu, fait rare en Polynésie. Cette deuxième obligation fut observée, mais la première au bout d’un certain temps n’a pas toujours été observée, et ma jeune cocoteraie a subi une attaque fulgurante, et je m’en suis aperçu un jour où j’observais que mes cocotiers ne semblaient plus pousser, et que la raison en était que toutes leurs feuilles étaient entièrement couvertes de cochenilles. J’avais appris qu’un laboratoire d’agriculture à Tahiti, en prévision de ce genre d’ennuis produisait des coccinelles noires et en fournissaient à qui en voulaient. La coccinelle noire a deux grandes qualités, elle adore les cochenilles, et se multiplie à une allure phénoménale.
J’en acquiers donc quelques adultes et des larves placées sur des morceaux de feuilles couvertes de cochenilles, et je vais à Nukutipipi les déposer. Quelques mois après ma cocoteraie était splendide et les cochenilles liquidées.

Ce transport aérien m’amène à vous en parler. L’avion, dont je louais les services, appartenait à un ami commandant de bord sur les lignes intérieures de Polynésie, excellent pilote, ainsi qu’à deux autres commandants de bord aussi, mais quand ils n’étaient pas libres, ils confiaient mes transports à d’autres pilotes, tel celui qui pilotait le jour où je devais déposer les coccinelles en direct sur quelques cocotiers. Au moment d’atterrir, je fais observer à ce pilote, soit disant chevronné, aux milliers d’heures de vol que nous allions atterrir sur le nez de l’avion, car le voyant rouge sur le tableau de bord indiquait que la roue avant n’était pas baissée, et ce juste avant l’atterrissage. Après des essais de déblocage de la roue, vains, par la vitre de la cabine je balance sur la cocoteraie ce pourquoi j’étais venu. A Tahiti, un atterrissage volontairement brutal, débloque la roue sur une piste couverte de mousse anti-feu.

Dans d’autres cas, les vols étaient confiés à de très jeunes pilotes, inexpérimentés, dont l’un a atterri un jour avant la piste, heureusement sur une zone durcie. Un autre, ayant manqué la piste une première fois, faisait une nouvelle approche dans des conditions catastrophiques, au ralenti, les ailes à la verticale du sol. Un autre encore, à mi-parcours vers mon atoll, déviait complètement, et le lui disant, il me répond que « suivant ses calculs »… Là je me suis mis en colère, et lui ai dit de regarder simplement le cadran et son aiguille, celle qui indique exactement la direction de l’atoll. En effet l’aviation civile m’avait fourni une grande balise aéronautique très performante. Je n’appréciais pas du tout que l’on confie mes transports à ce genre de pilote, pour 740 kilomètres sur mer. Comme je le disais à mon ami propriétaire de l’avion, « je m’estime un rescapé du TAVAKE ».

"Fare Pote", lieu de réception et de plaisir Bungalow des invités Toutes les habitations sont équipées d'une cuve
de 3000 litres d'eau douce qui alimente par une
petite pompe à dépression solaire les besoins du
bâtiment
Une partie des cinq bâtiments d'habitation Petit atelier, laverie et réserve personnelle
d'objets divers
A l'abri de mon bungalow, calmes
Mon bungalow cycloné et reconstruit, avec son petit vélomoteur, accoudé à la terrasse et qui a fait 3000 km en petites courses sur l'atoll
Balise aéronautique fonctionnant jour et nuit
sur panneaux et batteries solaires
En souvenir des menhirs bretons. Beau corail
d'environ 2 mètres, extrait de la barrière par le cyclone
Les 12 panneaux solaires de la balise Les 9 panneaux solaires de la cuisine, plus
nombreux que les six des autres bâtiments,
alimentent la lumière, le congélateur, le
réfrigirateur
Ces 16 panneaux solaires me permettent largement
l'utilisation d'électricité, de la radio, de la
machine à laver, de mon repassage, de la pompe
à dépression etc.
Laverie, sanitaires pour les ouvriers Petit local de l'ensemble des connections
électriques souterraines
Jeune cocotier chargé de noix de coco à portée
de main
Hangar à gros engins Réserve de matériel : grosse génératrice 220-
380V,compresseur d'air pour les bouteilles de
plongée etc
Séchoir à coprah avec toit roulant, couvert
en tuiles de bois
Totem sculpté par Kimitete, représentant des motifs polynésiens et des animaux marins
Réserves de fioul et d'essence surélevées
pour faciliter le remplissage des engins
Atelier de 25 mètres, sur fondations béton
Notre poulailler, blindé contre les bernard l'hermitte, fouisseurs et grimpeurs qui perturbaient mes poules
Laboratoire à 600 mètres de la zone vie, avec ses accès au lagon Terrasse où les bateaux peuvent accoster
Et me voici arrivé au bout de ma petite terre, adieu à Nukutipipi entièrement reconstruit. 1991

Mais revenons à la zone-vie, tout était construit ou reconstruit, les plantations étaient terminées, et je pouvais m’absenter plus souvent en France ou à Tahiti. C’est ainsi que l’envie m’est venue d’acquérir un superbe appartement en haut d’immeuble à Punaauia et d’y mener une vie normale, pêche, petits voyages à Hawaii et réceptions joyeuses…

Homme gâté entouré de si belles amies En admiration devant cet énorme gateau qui reproduit, en
son centre, l'atoll de Nukutipipi
Superbe et énorme gâteau offert tous les ans par l'hôtel Maeva Beach, qui m'a reçu pendant mes présences à Tahiti
jusqu'au moment où j'ai acquis mon appartement. En souvenir tous les ans pour mon anniversaire, ils m'ont fourni
cet énorme et beau gâteau qui a fait l'admiration de tous, dans une excellente ambiance. Nous étions assez nombreux
pour le déguster entièrement

Et un jour estimant que mon aventure Polynésienne était terminée, en double avec la construction et reconstruction de mon atoll, je me suis décidé à le vendre. Ce fut rapidement fait début 1991, à la stupéfaction de mes amis de me voir me séparer d’un tel paradis. La roue tourne et je voyais poindre mes 70 ans. Mais je demeurais toujours à Tahiti jusqu’en 1996, date à laquelle je revins en Europe, la tête haute, sur tous les plans.

Fin